Transcendance |
Poème N°I . La Mémoire Amnésique |
Le grand passage |
Rêve d'enfance |
Vibrations sur pierre noire |
A Raymond , en souvenir |
à la tombée de la nuit dans le marais |
La mare aux chasseurs |
à Marie-Claude |
Le signal |
Colonnes |
Travailler pour des nèfles |
Les escargots du plateau |
à Denise Scaramai*
amicalement.
Il fait froid. Le vent d'est couche les oyats. J'entends la mer, sans doute déchainée, derrière les dunes à deux cent mètres de moi. La mémoire d'Ana Mendieta me hante. Comment disparaître de la terre aussi tragiquement. Régulièrement, je lui dédie mes travaux. A cette période de ma vie, frappée par des deuils familiaux à répétition, j'ai besoin d'exorciser ces morts. La conjonction de ces deux pensées me fait travailler sur les rites de passage. Je sais bien que ces installations n'ont pas de succès dans mes expositions, mais-suis-je ici, en ce jour pour penser au succès.
J'ai, avec moi, une bêche et je vais m'en servir pour continuer une série de gisants, commencés en baie de Sallenelles,cet été 2003. Je trace une forme de fosse dans la quelle je vais sculpter un gisant. Elle mesure deux mètres de long sur 0,80 de large, orientée Nord-Sud. Très important, l'orientation. Je creuse le pourtours sur 30 cm de profondeur et entasse le sable au milieu. Je tasse grossièrement le tas et la forme d'un corps allongé se dessine. Le reste se fera à mains nues. Le sable est gelé. Mes doigts, aussi. Il ne s'agit pas de sculpter à la perfection, mais d'évoquer un corps. La tête, les épaules, le tronc, les jambes , puis les pieds. Je sens une présence et, sans avoir des illuminations, je sais qu' un transfert se réalise entre mes pensées et le corps imaginé. Je lui parle. Je leur parle à mes morts comme on le fait en Bretagne, sans les craindre. Cette proximité m'est nécessaire dans une partie de mon travail d'artiste, pour faire mon deuil, aussi. Parfois, je nomme ces gisants : répétition générale, voulant par là, rire de ma propre disparition. Je me lève et prends le vent d'est en pleine figure.Mes yeux pleurent. Il me reste encore à faire. Je vais marcher dans les dunes et ramasser une grande quantité de brindilles. Cela va me prendre une heure. Je reviens avec mes chargements et les dispose autour du corps, sur 30 cm de profondeur. Une fois la fosse pleine, je vais procéder à l'allumage. Je me penche sur la fosse et la protège du vent de mon corps courbé en deux, avant de craquer trois allumettes sous les brindilles, et ce, de chaque côté de la fosse. Une petite flamme hésitante finit par se propager tout autour du gisant, puis s'élève et se couche sous le vent glacé, venant de l'est. La crémation est parfaitement évoquée.
Mon idée était de réaliser trois crémations , je suis revenu, le lendemain, puis le surlendemain, pour sculpter les deux autres gisants, pratiquement, côte à côte.. Dans la fose du premier, j'ai prélevé des petits bois calcinés que j'ai disposé, dans la fosse du second, puis j'ai réalisé le même rituel, pour le troisième, liant les trois gisants dans le même espace-temps.
C'est la première fois que je montre une telle scène sur mon blog sans savoir ce que vous allez en penser, et c'est pour cette raison que j'ai donné beaucoup d’explications.
Je me suis un peu éloigné de cette pratique, n'éprouvant plus, pour le moment, le besoin de la réaliser.
Roger Dautais
Toutes les installations ont un point commun, avoir été réalisées en Automne et en Hiver entre 1999 et 2012, les deux dernières étant de ces jours-ci
* Denise Scaramai
http://denisescaramai.carbonmade.com/La dernière urgence
Quand ce sera la dernière fois de nous
Le dernier coeur à corps
La dernière urgence
Et que nous ne saurons pas plus qu'avant
pas plus qu'après
quand ce sera déjà après
Et que nous lèverons un peu la tête comme avant
Mais sans plus de foi
Mais sans moins de foi
Sans plus de courage qu'avant
Mais avec ce souffle vain
Une dernière fois
Nous rentrerons dans l'ombre
Aurement que par cet amour
Dont nous n'étions jamais sortis
Guy Allix
SURVIVRE ET MOURIR
Rougerie . année 2011